Trois
petits cochons
Il
était une fois trois petits cochons ; il y avait aussi un grand
méchant loup du nom de Lucifer ( du latin lux-lucis ; la
lumière), drôle de nom pour un loup , aussi l’appelait-on
Loucifer ou Loup si fier.
Le
deuxième petit cochon habitait une maison en bois, au creux d’une
clairière dans la grande forêt. Il se nommait Abel. Le loup passa
par là et frappa à la porte.-« Ouh !Ouh ! Je suis
le loup, laisse moi entrer dans ta maison ! » - « Tu
es fou ! Jamais ! » - « laisse moi entrer ! ».-
« Si tu veux, je peux de donner l’adresse du petit chaperon
rouge, il habite une clairière, pas loin d’ici ! » -
« Je sais, j’en viens ! » Et le loup souffla,
souffla si fort, que la maison s’envola, alors le loup se jeta sur
le petit cochon rose et le mangea.
Le
troisième petit cochon qui se nommait Caïn habitait la ville d’Ur
en Mésopotamie. Bien sûr, il avait construit en dur. Il vivait dans
une maison confortable, trois-pièces, cuisine, salle de bain, eau
courante, gaz à tous les étages (en Mésopotamie, ça coule de
source…). Il était en train de préparer un pot-au-feu :
carottes, navets, poireaux (il faut laisser du vert dans les
poireaux, c’est ça qui donne le goût) , un oignon piqué de deux
clous de girofle, avec la pelure, ça colore le bouillon, sel,
poivre, deux feuilles de laurier, thym, romarin, une branche de
céleri, amener à ébullition- lorsqu’on sonna à la porte.
C’était le loup qui pensait : « je me ferai bien une
potée auvergnate ! » - « Qui est-ce ? »
- « Je suis le loup » - « Passe ton chemin
loup ! » - « Je vais souffler, souffler sur ta
maison, et je vais la détruire ! » - « Tu ne
pourras pas, c’est une construction Bouygues réalisée par
Perrault .» - « Perrault ? » - « Non,
pas celui-là, l’architecte de la Bibliothèque Nationale“
-« Justement ! » Et le loup souffla, souffla,
souffla...et la maison ne bougea pas ! Alors le loup, à pas de
loup, grimpa sur le toit, s’introduisit dans la cheminée…et
tomba dans le pot-au-feu. « trois heures de cuisson au moins »
pensa le petit cochon . Dans la soirée il dégusta ainsi une
tripotée : le loup, son frère et sa sœur qui étaient dans
l’estomac du loup. Il eut une digestion difficile.
Il
regardait la Télé : c’était un feuilleton américain, et
c’était juste le moment ou le magnat du pétrole texan se penchait
vers la jeune infirmière affriolante, nue sous sa mini blouse
turquoise, et leurs lèvres allaient se frôler…quand on sonna à
la porte. –« Qui est-ce ? » - « Je suis
Moïse, ta conscience ! » - « que me veux tu ? »
- « Caïn qu’as-tu fait d’Abel et de Lucie, ne connais-tu
pas la loi, et le onzième commandement : tu ne mangeras pas ton
prochain, et du cochon en plus ! Tu seras en proie aux
remords ! ». Et en effet le petit cochon ne put fermer
L’œil de la nuit.
Il
était trois heures du matin et il regardait, sur une chaîne
culturelle , un documentaire sur les marmottes quand on sonna à
nouveau . –« Qui est-ce ? » - « Je
suis le docteur Freud, petit cochon, n’as-tu pas lu Totem et tabou,
qui t’as permis ce passage à l’acte, Veux-tu ébranler tout
l’édifice de la théorie freudienne ! Le petit cochon était
bien ennuyé, il n’avait pas voulu ébranler l’édifice de la
théorie freudienne .
En
sortant le docteur Freud rencontra Claude Lévi-Strauss qui passait
par là.-« Doctor Freud, I presume, Claude Lévi-Strauss »
-“enchanté”. Et Claude Lévi-Strauss sonna à la porte.-« Qui
est-ce, » - « Ici Claude Lévi-Strauss, sais-tu que tu as
enfreint un interdit majeur, une structure fondamentale, c’est
toute l’anthropologie structurale que tu mets en question ».
Le petit cochon était bien ennuyé, il n’avait pas voulu perturber
l’anthropologie structurale.
Il
y eut encore une autre visite, c’était les célèbres duettistes
Herbert Marcuse et Théodore Adorno, mais quand ils eurent dit qu’ils
venaient pour l’école de Francfort, le petit cochon ne les laissa
pas rentrer : Francfort…pour un cochon !
Le
petit cochon ne dormait pas, il était angoissé : qui allait
venir encore ? Finkielkraut, Luc Ferry, ou pire
Comte-Sponville ? Comte-Sponville ! Il ne supporterait
pas !
A
cinq heures du matin il eut une idée. Il décrocha son
téléphone.-« Allô ? Mademoiselle, passez-moi votre
patron….Vous n’êtes pas la secrétaire…ce n’est pas votre
patron…passez le moi quand même. Allô, Walt Disney, ici Caïn.
Dites mon vieux, Lucie, Caïn et Abel c’est fini, compris ?
Maintenant c’est Naf Naf, Nif Nif et Nof Nof et vous me récrivez
tout le scénario !»
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